Andrea ne pouvait pas dormir. Elle entendait le pas des souris, les ailes des oiseaux, et des cris d'animaux qu'elle n'aurait su identifier. Peut-être était-ce imaginaire, il paraissait improbable d'entendre tout cela en restant dans son lit. Mais Andrea en doutait. La panthère en elle était en éveil, et ses sens étaient bien plus développés que ceux des humains. C'était assez effrayant. Le fauve en elle l'empêchait seulement de penser à autre chose qu'à la chasse. Rapidement, la jeune fille n'y tint plus. Elle se leva, et, silencieuse, féline comme ce qui vivait en elle, elle se glissa hors de la chambre, puis, à pas de loups, rejoignit une fenêtre qui donnait sur l'extérieur. Elle l'entrouvrit, et passa souplement par l'interstice, avec des gestes déjà plus félins qu'humains. Elle alla jusqu'à la forêt, puis laissa la panthère décider. Elle savait comment faire, et en moins d'une seconde, elle en prit l'apparence. Le fauve, heureux d'être libéré après un si long sommeil, commença à courir. Andrea ne contrôlait pas. Son esprit était là, mais celui de la panthère dominait, et contrôlait leur corps. Soudain, le félin entendit un bruit, frôlement de la patte d'un quelconque rongeur sur les herbes hautes. La panthère se tendit. La chasse commençait. Elle s'applatit au sol, observa sa proie avec ce sang-froid qui caractérise les prédateurs. Puis elle bondit. Le mulot entendit bien un bruit, si léger, le déploiement gracieux du corps du félin. Puis il fut entre ses griffes. Le fauve l'acheva d'un coup de patte. Il ne jouerait pas avec, cette nuit. Il avait faim. Ce fut cette faim dévorant qui sortit Andrea, dont l'esprit s'était égaré, laissant place à celui de la panthère, de sa torpeur. Elle se rendit compte que, durant quelques minutes - ou était-ce quelques heures? - , elle n'avait plus existé au sens propre du terme. Son esprit s'était laissé dominer par celui du félin, et accaparée par cet esprit fait de reflexes, s'était contenté d'être spectateur, oubliant même qu'il existait. Mais maintenant qu'elle était à nouveau conscient, elle décida de ne pas se laisser faire. De tout son coeur, elle lutta contre le fauve, et après un long combat, elle vainquit. Doucement, presque avec indécision, le corps de la panthère redevint celui d'Andrea. Epuisée, elle tituba puis s'assit sur un tronc, se prenant la tête dans les mains. Une chose était certaine, elle avait encore bien du travail avant de maîtriser totalement son don. Cependant, elle avait réussi malgré la réticence du fauve à réintégrer son corps. Le premier combat contre la bête en elle, elle l'avait remporté. Elle en était là de ses pensées, lorsque elle entendit des pas. Elle se redressa, et regarda la personne qui venait d'arriver.